The Vincent
PEREZ
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  LE MATIN (Switzerland)
  May 19, 2007                                                       

Vincent Perez avait déjà dévoilé bon nombre de ses talents. Avec «La forêt», il ouvre son imaginaire au neuvième art. A mi-chemin entre les univers de Tolkien et de Tim Burton, le scénariste fait vivre des personnages sombres, féeriques, surprenants et bourrés d'humour. Les illustrations de Tiburce Oger («Gorn», «L'auberge du bout du monde»...) se marient au texte à la perfection. C'est l'histoire de Titiana, princesse au passé mystérieux perdue dans un bois peuplé de sortilèges... Un «voyage dans un monde de métaphores». Depuis sa maison de campagne au «jardin qui chante», Vincent Perez nous raconte son arrivée dans le monde de la BD.

Cette première BD est une vraie merveille, comment s'est passée votre collaboration avec le dessinateur Tiburce Oger?

On y a mis tout notre coeur. Tiburce est plus qu'un dessinateur. C'est un vrai metteur en scène. Il y a des cadres, des contre-plongées, des top shots, une manière de mettre en scène cette histoire qui est absolument remarquable, et qui en rythme bien chaque étape. C'est un inventeur. Les détails des décors sont impressionnants, c'est de l'horlogerie! On peut se balader longtemps sur une case, et ça devient du cinéma. Il n'a pas peur de prendre des risques, des choix de couleurs assez osés. Ce qui donne de la variété à cette longue bande dessinée, qui fait 86 planches. On a pratiquement deux volumes en un. Nous avons décidé d'en faire un bel objet.

Quel effet ça fait de découvrir, pour une fois, l'un de vos scénarios sur planches BD?

Le grand moment d'émotion, c'est le jour où il m'a montré les 86 planches en couleurs, c'était vraiment très beau... Mais, avant, j'ai découvert tout cela par étapes. J'ai suivi les crayonnés, on s'est échangé des e-mails avec des essais sur les personnages. Certains ont été vite trouvés, d'autres pas. On a, par exemple, mis du temps à trouver les sorcières, car j'avais une idée très précise de ce que je voulais. Tiburce travaille très vite: trois mois pour les crayonnés, trois mois pour le passage à l'encre de Chine, et trois mois pour la couleur.

Etes-vous allé à la BD, ou la BD est-elle venue à vous?

C'est moi qui suis allé à la BD. En fait, j'avais écrit cette histoire pour le cinéma. J'ai mis une année à écrire ce scénario qui fait 120 pages. En France, il est impossible de produire une histoire comme celle-là. Bien que, on ne sait jamais, mais ce serait plutôt une histoire anglo-saxonne que française. Je ne savais pas vraiment quoi en faire. Petit à petit, l'idée d'en faire une BD m'est venue. J'ai rencontré le directeur de Casterman, qui a lu le scénario et m'a parlé de Tiburce Oger. On lui a fait lire le texte, et il a eu le coup de foudre.

Quelle culture de la bande dessinée avez-vous reçue?

Je n'ai pas une très grande culture de la BD. J'ai un peu abandonné quand j'avais 15 ans. Quand j'étais môme, dans ma campagne vaudoise, à Cheseaux et à Penthaz, je lisais beaucoup d'Astérix, de Spirou, de Pif Gadget, etc. Mais c'est surtout mon père qui est un aficionado de la BD. Lui-même dessinait beaucoup. Il m'a donné des crayons dès mon plus jeune âge, j'étais un passionné de dessins. J'ai beaucoup travaillé avec Pierre Gisling, qui a été mon mentor. C'est lui qui m'a initié à pas mal de techniques. On participait à des émissions avec des camps de dessin filmés par la TSR. Il a été l'un des aiguilleurs de ma carrière. C'est grâce à lui aussi que j'ai pris un appareil photo, je suis devenu photographe, et la photo m'a amené au cinéma.

Dans la BD actuelle, quelles sont vos préférences?

J'aime beaucoup Joann Sfar, «Grand vampire», ses dessins très expressionnistes. J'aime le semi-réalisme dans la BD, où l'on peut créer des expressions drolatiques. J'aime le côté ludique de la bande dessinée.

Comment êtes-vous arrivé au thème de la forêt de Brocéliande?

Bien sûr que c'est la forêt de Brocéliande, mais je ne la cite jamais. L'important, c'est l'idée de la forêt. C'est un voyage dans un monde de métaphores. Chaque personnage, chaque créature que Titiana croise représente des quartiers non explorés de son âme. Tout tourne autour du désir et de la sexualité, sans jamais le citer. Quant aux personnages masculins, ils acceptent de partir dans l'aventure pour avoir une place dans la légende. Souvent, les hommes se demandent ce qu'ils vont laisser comme trace...

C'est votre cas?

Oui, bien sûr!

Etes-vous un papa qui invente et raconte des histoires à ses enfants?

Oui, j'adore inventer des histoires! On fait travailler son imaginaire, autant l'enfant que le parent. C'est pas mal d'avancer dans des histoires sans savoir vraiment où l'on va. Cela peut créer de bonnes surprises.

Avec toutes ces bonnes idées, allez-vous réitérer l'expérience de la BD?

Ça ne peut pas s'arrêter là! Tiburce a déjà un scénario entre les mains. Il va me proposer des coupes. Cette histoire-là s'appellerait «Les inséparables». Mais j'ai aussi envie de faire continuer à vivre quelques personnages de «La forêt». Je ne sais pas... Mais c'est sûr qu'on a très envie de poursuivre.

 

[Written by Camille Destraz]

 

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